I i follow, i follow you.

Ce texte est le témoignage de ma soirée du 12 septembre 2018, alors que je rentrais après avoir bu un verre avec deux copines. Il n’a aucune vocation de culpabilisation. Il est juste là, parce que c’est mon blog, mon endroit d’expression, et que cet espace m’appartient. Parce que j’avais besoin de poser des questions, sans forcément attendre de réponse. Que j’avais besoin d’écrire, et que si cet écrit pouvait résonner d’une quelconque manière pour ne serait-ce qu’une personne, il est utile. Ce texte est donc le témoignage de ma soirée du 12 septembre 2018 quand, après avoir bu un verre avec deux copines, je me suis fait suivre pendant 40 minutes sur le trajet du retour. 

 

Il n’était pas tard, 22H30. Des familles étaient encore présentes dans les rames de métro, des jeunes cadres courraient dans les couloirs souterrains de la ville lumière, et de vieux couples se tenaient amoureusement la main en se demandant quelle nouvelle pièce de théâtre aller voir. Et moi, je me suis fait suivre. Un homme comme un autre. Propre sur lui. Un blouson noir, un sourire en coin, mais un regard insistant. Dans l’ambiance générale de quasi-paranoïa auquel j’essaye de ne pas adhérer, j’ai pensé sur le trajet Stalingrad – Nation que « j’exagérais », que je me « faisais des films ». En soi, je ne suis pas la seule de la capitale à changer à Nation pour prendre la ligne 6. Le wagon de tête ne m’appartient pas, tout comme le siège libre à côté de moi. S’il doit descendre à Nation, et qu’il se lève juste après moi, ça peut très bien être une coïncidence. N’empêche que je l’ai laissé partir devant, à Nation. Qu’il est entré avant moi dans le métro de la 6, en s’étant retourné plusieurs fois sur le chemin séparant les deux lignes, et que nos regards se sont croisés. Vérifiait-il où j’allais ? Nan, j’exagère. Mais quand il a pris soin de rebrousser chemin en voyant que je me dirigeais vers le wagon de tête, et qu’entre tous les sièges disponibles, il a choisi de s’asseoir à côté de moi, là, ouai, j’ai paniqué. Paranoïa ou pas, j’ai paniqué. J’ai dégainé mon téléphone et ai envoyé un message à mon compagnon « viens me cherche à l’arrêt de métro, s’il te plait, on me suit depuis Stalingrad ».
J’aurais aimé qu’il me parle, ce blouson noir. Qu’il me dise « hé mademoiselle » ou autres galanteries de ce genre. Parce qu’à ce moment-là, j’aurais pu élever la voix, avoir une « excuse » de montrer aux gens autour que ça n’allait pas, que j’étais en position de faiblesse. J’aurais eu l’accord de la société pour demander de l’aide. J’aurais été « légitime » de me sentir mal. Mais non, il s’est juste assis, et m’a regardée en souriant de temps en temps. J’avais envie de planter quelque chose dans son genou qui était beaucoup trop proche du mien.
De lui mordre le bras qui touchait le mien.
De lui dire de se casser.
Loin.
Mais pourquoi aurais-je fait ça ?
On sait très bien que le métro parisien n’est pas des plus adaptés pour la conservation de l’espace vital. Les gens se touchent tous les jours, sans arrière pensée. Une rame blindée en heure de pointe, et les bras s’entrechoquent.
Pourquoi ne me suis-je pas levée ?
Je n’en sais rien, c’était vraiment à moi de fuir ?
Pour aller où ?
Mon arrêt était là, je suis descendue, et lui aussi. Comme d’autres personnes.
Il y a deux sorties différentes à mon arrêt. Il a pris la même. Comme d’autres personnes. J’ai appelé mon compagnon :

« Allo chérie ?
– Coucou amour, ça va ? Tu as pu regarder tes sms ?
– Non désolé, pourquoi dis-moi.
– Là, je ne peux pas trop parler. »

Non, je ne pouvais pas lui dire que quelqu’un me suivait depuis tout ce temps, sachant que blouson noir était à dix mètres derrière moi, les mains dans les poches. Et qu’il accélérait le pas. Moi aussi, me tordant à nouveau la cheville sur laquelle je m’étais fait une entorse trois semaines plus tôt. On adore. On a-dore.

– Ok, attend je lis… J’arrive. Où es-tu ? »

On s’est retrouvés à mi-chemin entre l’arrêt et la maison. Quand j,’ai vu Axel tourner au coin de la rue, j’ai lutté pour ne pas courir me réfugier dans ses bras en chialant. Qui fait ça ? Et pour quelle raison apparente ? Alors j’ai gardé le rythme jusqu’à la sécurité, et je me suis figée contre son torse, et l’ai serré fort, très fort, trop fort.
Et quand blouson noir nous a dépassés, me regardant droit dans les yeux, il s’est mis à chantonner.

Je suis rentrée chez moi, chez nous, et j’ai pleuré. De rage, d’angoisse. Cet épisode ne m’empêchera pas de ressortir boire des coups en ville, de rentrer « tard » le soir. Mais PUTAIN comme j’aurais aimé qu’il n’arrive pas, ce blouson noir.

___

Aurais-je dû demander de l’aide aux gens dans le métro, dans la station, dans la rue ?  Avec le recul, oui, j’aurais dû, j’aurais pu, lui demander s’il avait un problème, lui dire d’arrêter de me coller, dire « aidez-moi, on me suit », quitte à me taper la honte. M’auraient-ils crue ? Ils n’étaient que de passage. Comme moi. Comme lui. Pour eux, blouson noir était « juste » un homme assis à côté de moi, « juste » un homme qui, par hasard, avait le même trajet que moi, que c’était « juste » des coïncidences ; des coïncidences répétitives, qui se sont accumulées sur plus de quarante minutes. Mais ça, qui d’autre que le suiveur et la suivie peut s’en compte ? La peur de ne pas être crue a été plus forte. Et m’a coupé le souffle.

Si une jeune femme, ou un jeune homme, venait vous voir en demandant de l’aide, en étant persuadé.e d’être suivi.e, la/le croiriez-vous sans hésitation ? Où détourneriez-vous les yeux, vous disant qu’elle/il exagère, que ce n’est qu’une coïncidence ?

___

#metoo
#soyonsattentifsauxautres

6 commentaires sur « I i follow, i follow you. »

  1. Je pense qu’on a un sixième sens pour ça. On se trompe très peu sur ce genre de sentiment. De plus, 40 minutes de coïncidences c’est beaucoup.
    Concernant la demande d’aide, je pense que je croirai la personne et qu’on essayerait de trouver une solution.
    En tout cas, j’espère que ça ne t’arrivera plus et big up à ton chéri qui est venu sans réfléchir.
    Plein de courage ☀

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  2. Je t’aurais cru sur parole, ça m’est déjà arrivé d’être suivi et d’être touché mais je suis super virulante quitte à passer pour une idiote ou une folle. Et j’ai déjà étais face a une jeune fille qui se sentais suivi, je l’ai aider à se calmer et à semer l’homme qui l’a suivais. Il n’y a pas de bonne manière de réagir et tu ne sera jamais en tord face à une peur. ❤

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  3. Ton article me touche beaucoup. Combien de fois ça m’est arrivé ? Même des mecs, parce que ce sont toujours des hommes, ça ne m’est jamais arrivé avec une femme, qui vont plus loin et qui mettent mal à l’aise en étant insistants. Et quand on regarde autour de soi et que l’on ne voit personne s’inquiéter, qu’on a ce sentiment qu’il faut fuir urgemment mais qu’on se sent seul.e et vulnérable… Tu as eu un bon réflexe en appelant quelqu’un de confiance. Mais tu n’as en aucun cas à culpabiliser de ne pas avoir bougé ou de ne pas avoir fait ci ou ça. Que ta peur soit fondée ou non elle est légitime.

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  4. Je pense que si quelqu’un serait venu me voir à ce moment là je l’aurais aidé d’une façon ou d’une autre. Même si vous croyez qu’elle exagère ou non, si une personne vous demande de l’aide ça ne coûte rien de se faire passer pour une amie et de rester un certain temps avec elle le temps que l’homme s’en aille. Mais je comprend totalement ta réaction qui aurait surement été là mienne et celle de beaucoup d’autres. Ce qui n’est pas normal. Depuis quand ne pouvons nous pas demander de l’aide à quelqu’un lorsque l’on a peur ?

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  5. Comme ça me chagrine de lire encore un témoignage, TON témoignage sur le fait qu’une fille ne se sente pas en sécurité dans la rue, dans le métro.. qu’un mec ait encore pris la liberté de suivre, de regarder avec insistance..
    Je pense que j’aurais fait comme toi. C’est dur de savoir comment réagir à chaud, comme ça. Mais si jamais quelqu’un vient un jour me demander de l’aide, c’est sans hésitation que je ferai tout ce que je peux.

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  6. Je croirai direct la personne, je préfère une personne qui va psychoter que quelqu’un qui n’aura pas été méfiant (#jesuisparano) , la seule fois ou je me suis dit que je me faisais des films s’est soldé par une agression en pleine rue qui aurait pu être bien pire ensuite :/

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