Sur les chemins noirs
Sylvain Tesson
Editions Gallimard
2016 • 15€
Résumé :
Il m’aura fallu courir le monde et tomber d’un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j’ignorais les replis, d’un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.
La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.
Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.
Mon avis :
Ce petit livre de 144 pages est en réalité un journal de bord. Loin d’entrer dans une fiction, on suit le périple qu’entreprend Sylvain Tesson entre le sud-ouest et le nord-est de la France (voir photo ci-contre avec l’itinéraire qu’il a lui-même dessiné). Car oui, le voyage se passe sur notre territoire, ce qui n’empêche pas l’écriture de l’auteur de nous dépayser complètement. La première partie nous propulse dans une analyse et une critique de notre société actuelle, parfois avec force, toujours avec poésie. Le projet de Sylvain Tesson était de parcourir la France via ses chemins noirs, ses chemins de traverse oubliés, de retourner aux racines, à la source de ce qu’était le territoire avant son « aménagement ». En bref, se replonger au cœur de la ruralité française.
Cette lecture m’a énormément fait penser à l’oeuvre de Jean Giono (notamment à Un de Beaumugnes et Les Grands Chemins), grâce à l’écriture sensible et franche et la description des paysages traversés. J’ai aussi beaucoup pensé à la chanson de Jean Ferrat, La Montagne ou encore Ce petit chemin (moins nostalgique) chantée par Georges Brassens.
On sent la Provence, la montagne, la mer, la nostalgie du temps passé. Mais ce n’est pas la vision touristique et chorégraphiée par les agences de voyage. Non. En sortant des sentiers battus par la société moderne, Sylvain Tesson nous prend la main pour nous mettre sous le nez une France oubliée et asphyxiée par le progrès, un territoire riche d’histoire(s) et de coutumes, un pays hors du temps qui se meurt peu à peu. Je ne pense pas que l’auteur soit dans une logique passéiste, c’est à dire tournée vers le passé, rétrograde. Mais plutôt une nostalgie de n’avoir pu vivre et voir cette époque sans artifices. La critique de notre société actuelle, toujours en mouvement, trop pressée, est fine et très bien menée.
Ce qui m’a beaucoup plu, c’est également cette envie de découvrir les trésors que recèle notre environnement après avoir couru le monde. Car finalement, ne suffit-il pas de se baisser pour trouver le l’or ? Toute la première partie du livre est une ode au retour à soi et à l’essentiel, et ça fait un bien fou. Une vraie bouffée d’air frais, un voyage poétique qui fait réfléchir à notre impact sur ce qui nous entoure, une ode à la patience et la prise de recul. Je pensais avoir un coup de cœur pour ce livre, vraiment. Mais j’ai un peu décroché dans les 30/40 dernières pages, je trouvais que la narration tournait trop en rond. Je conseille tout de même vivement cette lecture aux amoureux de la nature et de la remise en question 😉
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Petit florilège de moments poétiques :
« Pourquoi le TGV menait-il cette allure ? A quoi servait-il de voyager si vite ? » (p.19)
« Entre moi et le monde il n’y avait que l’air tiède, quelques rafales, des herbes échevelées, l’ombre d’une bête. Et pas d’écran ! Aucune information, pas d’amertume, pas de colère. Ma stratégie du retrait distillait sa jouvence dans mes fibres » (p.41)
« Les chemins noirs dont je tissais la lisse avaient cette haute responsabilité de dessiner la cartographie du temps perdu. Ils avaient été abandonnés parce qu’ils étaient trop antiques. Ce n’était plus considéré comme une vertu. » (p.71)
« Très vite la pluie tomba et je me perdis dans un labyrinthe dont les minotaures n’étaient que de belles vaches à longs cils » (p.89 tuez-moi c’est sublime)
« Il fallait que les hommes fussent drôles pour s’imaginer qu’un paysage eût besoin qu’on l’aménageât. D’autres parlaient d’augmenter la réalité. Un jour peut-être s’occuperaient-ils d’éclairer le soleil ? » (p.120)
Très belles citations 🙂 !
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Ce livre en est plein !
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De Sylvain Tesson je n’avais lu que Le téléphérique, un recueil de 6 nouvelles dont 3 m’avaient enchantées par leur style poétique et 3 m’avaient déçues. Ta chronique me donne envie de retenter cet auteur et de lire Sur les chemins noirs.
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Pour ma part je n’ai lu que celui-ci et je ne peux que te le conseiller ! 🙂
Mais du coup comme j’aimerais me lancer dans un autre livre de l’auteur, tu me conseillerais lequel ? 🙂
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Moi je n’ai lu que « Le téléphérique ». Par contre, on m’a recommandé « dans les fores de Sibérie » et « Sur les chemins noirs ».
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Message parti trop vite. C’est bien sur « Dans les forêts de Sibérie » (et non fores).
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Je ne connaissais pas du tout ce livre même si le nom m’était vaguement familier (n’a-t-il pas écrit quelque chose en rapport avec les fées?). Mais ta chronique me donne très très envie de lire ce livre, et la dernière citation m’a fait sourire! Merci pour la découverte et le rajout dans la wishlist! 😉
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Ca ne me dit rien.. Il a beaucoup écrit sur ses voyages en tout cas ! J’espère que tu te lanceras dans cette lecture qui est super agréable 🙂
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